Le constructeur britannique a surpris le monde entier avec ce concept-car qui préfigure le design de ses prochains modèles.
Par Dominique Fontignies
Le moins que l’on puisse dire est que Jaguar était au cœur des conversations des amateurs de belles voitures anglaises ces dernières semaines. Même la très sérieuse BBC s’est inquiétée des commentaires polarisants émis autour de la présentation du nouvel esprit Jaguar.
Le management de l’entreprise a eu beau dire qu’il s’était inspiré de la philosophie originelle de Sir William Lyons, le créateur de la marque Jaguar, qui disait qu’une Jaguar ne devait rien copier de ce qui existait auparavant, les plus sceptiques ne parvenaient à être convaincus.
J’avoue que j’étais également dans l’expectative, avant que le véritable projet ne soit dévoilé dans le cadre tendance de la Miami Art Week. L’endroit est sans doute approprié pour prendre un nouveau départ.
Il s’agit en tout cas pour Jaguar d’un pari audacieux. Au cours des 30 dernières années, il faut avouer que le constructeur a usé jusqu’à la corde l’héritage prestigieux, élaboré autour de modèles emblématiques tels que le coupé Type E ou l’imposante berline XJ. Deux véhicules qui, lors de leurs lancements respectifs, sont venus bousculer les standards du marché. Ils étaient aussi l’aboutissement de la carrière de Sir William, en termes de design, de prestations routières et de technologies. Avouons-le, le dernier modèle de la marque à avoir suscité autant de débats, fut le coupé XJ-S, des années 70. Je me souviens encore très précisément de la première fois que j’en vis un, débouler dans les rues du centre d’Anvers (Belgique), lorsque je me baladais dans cette ville pendant mon enfance avec mes parents. Là encore, Jaguar frappait un grand coup, avec un modèle qui ne s’apparentait à aucune autre production contemporaine !
Dans le monde automobile de 2025 (la voiture de série élaborée sur base de ce concept verra le jour à la fin de 2025), il devient également très complexe de se différencier. Et il est fort probable que les responsables du projet Type 00 ont eu raison de se démarquer radicalement de ce que leurs prédécesseurs directs avaient construits. Les efforts successifs de Ford (années 90) et, plus récemment, de Tata n’ont pas porté les fruits escomptés, avec des modèles inspirés des légendaires Jaguar, sans jamais égaler leur prestige et encore moins leurs succès. Il devenait dès lors important d’aborder un virage à 180 degrés.
Telle fut la mission du Chief Creative Officer de Jaguar, Gerry McGovern. Vétéran de l’industrie automobile britannique, on lui doit des icônes telles que la MG F ou encore le premier Land Rover Freelander. Passionné de voitures et de design, il a réussi à insuffler un esprit novateur avec ces deux créations qui, à leur époque, tranchaient également avec les conventions contemporaines.
En découvrant cette Type 00, je ressens en effet les mêmes émotions qu’en voyant ma première XJ-S dans les années 1970… Le véhicule affiche des proportions inattendues et ne reprend pas directement les codes esthétiques et les détails des précédentes générations de Jaguar. L’avenir dira si l’équipe en charge de la marque a choisi la bonne stratégie. Mais le résultat force l’admiration en tout cas. Et il est clair que le véhicule de production éliminera certains aspects du concept.
A l’ère de la voiture électrique (là également, Jaguar prend un risque majeur quand on voit l’évolution à la baisse des ventes de modèles 100% électriques au cours des derniers mois), Jaguar se devait d’adopter une nouvelle voie. La marque ambitionne de se positionner davantage face à Bentley qu’à ses rivaux germaniques historiques. C’est probablement une sage décision dans le marché automobile actuel. Avec cette proposition unique, Jaguar se mesurera à une marque telle que Lucid Motors.
Du modèle de série, on sait juste qu’il devrait disposer d’une autonomie électrique avoisinant les 700 km, avec une capacité de recharge rapide intéressante (15 minutes à peine pour récupérer plus de 320 km d’autonomie). Il sera commercialisé auprès d’un réseau sélectionné de « brand stores » à travers le monde. Le premier d’entre eux verra le jour, non pas à Londres, mais à Paris. Ces endroits seront des lieux immersifs du monde Jaguar, en plus des concessionnaires classiques où les clients pourront découvrir, commander et prendre livraison de leurs véhicules.
Pour revenir à la présentation qui s’est tenue récemment à Miami, Jaguar n’a pas dévoilé une mais deux versions du concept Type 00. Celui-ci était en effet décliné en deux teintes : Miami Pink, rendant hommage à la couleur pastel des immeubles art déco de la ville floridienne, et London Blue, une couleur inspirée de la nuance Opalescent Silver Blue des années 60 que la marque commercialisait à l’époque. Au fait, le choix de présenter deux versions de ce concept est directement inspirée de ce que Jaguar avait fait au Salon de l’automobile de Genève en 1961 pour révéler au monde la fabuleuse Type E. On le voit, Jaguar ne renonce pas à sa prestigieuse histoire.
©DM03/12/2024 Photos : ©Jaguar