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Monaco « gentrifie » la Méditerranée

Après dix ans de travaux, la famille princière de Monaco inaugurait le nouveau quartier de Mareterra sur son territoire. Enfin, pas tout-à-fait dans la mesure où cette extension territoriale voit le jour sur la mer.

Depuis le règne du Prince Rainier III de Monaco, père de l’actuel souverain, la Principauté de Monaco est confrontée à l’exiguïté de son territoire. Avec le développement économique, notamment lié à l’essor de l’industrie du tourisme, consécutif au mariage du Prince de Monaco avec l’actrice américaine Grâce Kelly, Monaco doit pouvoir loger ses citoyens, ses résidents et ses entreprises. D’autant plus que, depuis 1861, elle a perdu la plus importante partie de ses terres, les communes de Roquebrune et de Menton ayant décidé, par referendum, de s’unir à la France.

Ce qui pouvait dès lors s’apparenter à un problème épineux devient dans l’esprit du Prince souverain de l’époque une opportunité. Débordant d’idées et ayant une vision stratégique et politique à long terme pour son État, il embarque Monaco dans une ère de développement prodigieuse. C’est précisément sous son règne que va naître le nouveau quartier de Fontvieille, dont les premières esquisses remontent aux années 1960 et qui verra sa concrétisation vingt ans plus tard. Une nouvelle ville sort de mer, avec ses appartements, ses parcs, ses entreprises, ses routes, ses commerces, son héliport. De ses appartements du Palais, le Prince Rainier peut suivre quasi quotidiennement l’évolution de ses projets depuis sa fenêtre.

Respect environnemental avant tout

Aujourd’hui, c’est son fils, le Prince Albert II, réputé pour sa vision environnementale de la société, qui occupe la fonction de Prince souverain. Il partage avec son père les mêmes ambitions pour son pays, en matière de développement. L’idée de développer un nouveau quartier pour répondre aux besoins d’extension du territoire nait dès lors dans sa tête, tout en ayant à l’esprit le souci du respect environnemental qui lui est cher. C’est dans ce contexte que naît le projet Mareterra. Ce sont donc six hectares de territoire qui vont être conquis sur la Méditerranée (la Principauté dispose de ses eaux territoriales, accordées à la suite d’une convention acquise avec la France lorsque le Président François Mitterrand était au pouvoir), venant s’ajouter aux 22 hectares sortis des eaux à Fontvieille il y a plus de quarante ans. La nouvelle extension voit le jour à l’autre extrémité de la Principauté, près de la plage du Larvotto.

Lors du lancement du projet en 2019, le Prince Albert II déclarait : « Ce nouvel espace incarne l’excellence et la convivialité qui caractérisent si bien la Principauté de Monaco. Il apparaîtra dans quelques années comme un prolongement naturel de notre territoire. »

Mareterra s’inscrit dans la tradition historique d’extension de la Principauté de Monaco. Tributaire d’une réalité géographique particulière et contraint par un territoire limité, l’État monégasque a naturellement cherché à s’étendre sur la mer tout en préservant cet écrin de biodiversité. Monaco doit ainsi ses agrandissements successifs à une ingéniosité urbaine renforçant la symbiose entre le Rocher et la mer Méditerranée qui l’entoure. À travers son histoire, le Rocher (surnom donné aux pays) a gagné́ plus de 60 hectares de terres sur l’eau (outre Fontvielle, Monaco s’est également agrandi avec le quartier de la Condamine et celui du Larvotto), représentant désormais plus d’un quart de son territoire. Inscrit dans une certaine continuité, Mareterra n’est pourtant en rien comparable aux précédentes extensions. La poursuite de cette vision urbanistique se mêle désormais à l’impérieux respect environnemental d’un territoire maritime indissociable de l’identité monégasque. 

Entièrement piétonnier, Mareterra crée un lieu propice à la promenade en bord de mer. Près de la moitié de l’extension est constituée d’espaces publics aérés et ouverts à tous. Un parc d’1 hectare, une promenade de bord de mer ponctuée de lieux de repos et de méditation, l’un des plus petits musées à ciel ouvert du monde, un port de plaisance et des commerces viennent ainsi compléter les zones de loisirs accessibles aux Monégasques et aux visiteurs. 

Des architectes de renommée internationale se sont mobilisés pour concevoir le projet et concilier design, esthétisme et développement durable : Valode & Pistre Architectes, en charge du plan d’ensemble du projet, de la conception architecturale des infrastructures et aménagements publics, du quartier central dit « des Jardins d’Eau » ainsi que du quartier de la Colline qui abrite les salles d’exposition de l’extension du Grimaldi Forum, Renzo Piano Building Workshop, responsable du quartier du Port, et qui signe notamment l’immeuble Le Renzo, MichelDesvigne, concepteur paysagiste de l’ensemble de l’écoquartier, dotant Monaco de vastes espaces verts qui intègrent harmonieusement nature et architecture au cœur de la Principauté. D’autres éminents architectes ont pris part au projet afin de concevoir certaines villas qui ponctuent l’écoquartier : Foster + Partners, Stefano Boeri Architetti, ou bien encore l’architecte japonais Tadao Ando qui a conçu à Mareterra l’un de ses très rares projets européen. Le gratin de l’architecture mondiale actuelle a donc situé cette nouvelle ville !

Les retombées économiques et commerciales de Mareterra constituent un pilier incontournable de la croissance monégasque. Les nouveaux lieux de loisirs, de gastronomie et de culture structurant le quartier donneront aussi une nouvelle impulsion à l’attractivité touristique de la Principauté : la douzaine de commerces ponctuant le port de plaisance, la pinède d’un hectare propice aux promenades, ou bien encore l’extension du Grimaldi Forum (un lieu événementiel qui accueille des salons professionnels ou des expositions culturelles de prestige) constituent des biens de contrepartie générant de nouvelles sources de revenus pour Monaco. En outre, la Principauté a bénéficié de la TVA immobilière qui représente 20 % sur toutes les ventes de biens, d’une soulte versée par le développeur à l’Etat monégasque et de droits d’enregistrement sur les ventes. Les 300 entreprises et 4000 salariés qui ont travaillé sur ce chantier pendant 10 ans ont par ailleurs participé au dynamisme de l’économie monégasque.

Un modèle d’éco-conception 

Projet voulu et porté par le Prince Albert II, le nouvel écoquartier s’inscrit en parfaite harmonie avec le milieu naturel terrestre et maritime de la Principauté, dans le respect des principes d’un territoire durable. Avec son arrondi singulier pensé pour s’intégrer au littoral existant, son flanc de colline naturel et sa flore abondante, Mareterra tisse un lien nouveau et essentiel avec la mer. Pour construire sur l’eau de manière raisonnable et raisonnée, l’ensemble des implications environnementales du projet ont été considérées en amont, pendant et en aval du projet. L’objectif de transplantation et de préservation a été choisi pour faire en sorte que chaque impact potentiel sur l’écosystème naturel soit le plus positif possible. Des biologistes marins, plongeurs et experts scientifiques ont ainsi été mobilisés pour établir des protocoles de protection, pour déplacer et suivre l’évolution de plusieurs espèces (posidonie, grandes nacres, lithophyllum) implantées sur le site. Des mesures préventives de protection des réserves marines du Larvotto et des Spélugues ont également été adoptées afin de limiter les risques de turbidité et de sédimentation, telles que la pose d’écrans anti-turbidité ou l’adaptation des horaires de dragage. La phase de réalisation des travaux a par ailleurs été l’occasion de décontaminer et revaloriser dans une usine spécialisée du Var les nombreux sédiments de la zone portuaire, polluée par l’activité historique du port de Monaco. Des bennes écologiques étanches et une drague aspiratrice ont été utilisées pour retirer les couches de vase et limiter au maximum la dissémination de particules.

Pendant les phases de remblaiement, des équipes sous-marines de nettoyage sont intervenues pendant plusieurs semaines afin de préserver les spécimens d’espèces patrimoniales présentes sur le tombant des Spélugues (gorgone jaune, grande axinelle, corail rouge, etc.). Un soin particulier a été apporté pour garantir durablement l’équilibre écologique du site. Les 18 caissons immergés qui délimitent le quartier et supportent le remblai d’assise ont ainsi été conçus de manière à favoriser leur colonisation par la faune et la flore marines : installation de corridors et d’habitats destinés aux poissons, sculpture et rainurage des façades des caissons afin de faciliter l’accrochage d’algues et d’espèces, fabrication de modules à cavités, implantation d’herbiers artificiels… Le site sera suivi sur le long terme. Des analyses seront ainsi menées régulièrement. Le Gouvernement a, quant à lui, utilisé le retour d’expérience de Mareterra pour mettre en place un guide d’éco-conception applicable à ses futurs aménagements maritimes, qui constitue une première mondiale en la matière.

Un écoquartier à la gestion durable et innovante

Avec Mareterra, c’est tout un nouvel écosystème qui prend racine à Monaco. Un sixième du quartier sera constitué d’une pinède d’un hectare conçue pour se développer sans intervention humaine, à mi-chemin entre le parc et le jardin. L’entretien des espaces verts et naturels du futur écoquartier, incluant parc, circuits pédestres et toitures végétalisées, favorise le développement de la biodiversité du site : mode de gestion naturel et interdiction du recours aux produits chimiques pour l’entretien des espaces verts, préservation de la microfaune et de la végétalisation spontanée, ou encore gestion de l’eau économique et rationalisée. 

En harmonie avec l’objectif de neutralité carbone en 2050 fixé par la Principauté, tous les bâtiments du quartier ont par ailleurs été conçus de manière à maximiser leur performance énergétique et mutualiser les ressources naturelles : 

Une boucle de thalassothermie à l’eau de mer innovante produit de l’eau tempérée et alimente les pompes à chaleur des bâtiments. 

Des systèmes de récupération de l’eau de pluie installés sur les toits des immeubles et bâtiments approvisionnent un bassin de stockage de 600 m3, destiné à arroser les nombreux espaces verts. 

5 000 m2 de panneaux solaires ont été installés pour couvrir jusqu’à 40 % des consommations énergétiques conventionnelles de l’écoquartier. 

200 systèmes de recharge pour véhicules électriques et une station de vélos électriques partagés ont été installés. 

Des recommandations personnalisées envoyées à chaque propriétaire du quartier préconisent l’entretien durable des espaces privés et communs. 

1000 grands sujets plantés dans un parc public de 1 ha (pins d’Alep, pins parasols, chênes liège, chênes verts, caroubiers ….) 

Face au dérèglement climatique, et confrontés à l’inexorable croissance de la population urbaine, innover en matière de construction sur l’eau est indispensable pour être en mesure, demain, de sauvegarder les littoraux et les villes côtières qui pourraient se trouver menacés par la montée des océans.

Pour Mareterra, une élévation du niveau de la mer Méditerranée d’environ un mètre a été anticipée pour le siècle à venir, telle que prévue par les prévisions scientifiques. De plus, l’ensemble de l’extension a été réalisé dans le respect des normes antisismiques les plus strictes. 

Un nouvel horizon pour la vie urbaine

C’est donc non sans une certaine fierté que la famille princière de Monaco inaugurait le 4 décembre dernier ce nouveau quartier, qui a d’ailleurs été achevé avec quelques mois d’avance sur le calendrier initial. Alors que le développement urbanistique des années 60 s’était fait parfois de manière erratique, à Monaco comme dans de nombreux pays, on peut saluer l’harmonie architecturale qui a présidé à la conception de Mareterra. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce projet lors d’une prochaine visite des lieux.

Plus d’infos: https://mareterra.com/fr/

©DM09/12/2024 Photos : ©Mareterra